11 mai 2012

L’horreur est dans le terroir




Je prends le métro tous les jours. C’est un territoire familier dont les murs sont mes plus sûrs compagnons culturels. L’autre soir, il y a une petite quinzaine, une main a stoppé net ma course pour retrouver  le dehors. Elle s’est agrippée salement à mon épaule. C’était une main griffue, énorme. Elle laissait deviner un corps aux dimensions peu humaines. Elle pendait, lourde et menaçante, dans le coin gauche de l’image. Au-delà, du premier plan - au second donc - deux hommes au bord d’une rivière, penchés sur un corps recouvert d’un linceul blanc. Plus loin encore, les bois et, au milieu d’une clairière, une maison crachant une épaisse fumée et une accroche  « Promenons-nous dans nos bois ». J’ai frissonné. Et puis je me suis repris. J’étais au milieu d’une foule se frayant un chemin vers un chez soi bien douillet, rien de si inquiétant. Ce n’était après tout qu’une série, Grimm, rien de bien renversant. Je me suis dégagé de l’emprise de la main, suis sorti du bois et ai repris mon couloir. Quelques pas seulement et je me retrouvais déjà aux pieds de cette maison. Elle m’avait semblé si loin l’instant d’avant. De près, elle avait une drôle d’allure, plus cabane que maison, plus rubik’s cube que de guingois. L’affiche sur ce point était très clair, il s’agissait ni plus, ni moins de « La cabane dans les bois ». Quant à la menace que tous ces bois et cette nature peu amène faisaient peser sur nous, elle se précisait sérieusement. « Vous croyez connaître l’histoire, vous pensez connaître l’endroit, détrompez-vous ». J’ai à nouveau frissonné. Avril ne nous avait pas gâté et il faisait encore sérieusement frisquet au cœur de ces grands bois. J’en suis sorti trois pas plus loin. Iron Man, Thor, Hulk, Hawkeye, Captain America me faisaient face, déployant super-pouvoirs et assénant regards ultra-rasurants. J’étais sous la protection des Avengers. Je n’avais plus rien à craindre. Les buildings hauts, très hauts, occupant tout l’arrière-plan en attestait. J’étais revenu en ville pour de bon. Ici point de zombies, de créatures verdâtres, point de pus, peu ou pas d’organes répandus. Juste des super-héros se battant proprement pour la survie d’un genre humain auquel ils n’appartiennent même pas. Et tout cela, au risque de perdre leurs super-pouvoirs ! Vraiment, non vraiment, s’il y a bien un refuge c’est la ville. Pas le péri-urbain, non la ville ! Exit donc le terroir menaçant, j’ai pris la sortie, ai grimpé deux à deux les marches de mes cinq étages. J’ai allumé l’ordinateur, ouvert le site du Monde. Je voulais consulter les résultats du 1er tour. Je partais le lendemain dans le Beaujolais en famille. J’ai entré le nom de cette commune de 598 habitants. Les résultats sont tombés implacables. Le Front National arrivait second avec un peu plus de 30 % des voix. J’ai frémi. Je n’avais pas encore atteint la maison de famille dans la campagne. Ce n’était donc pas une légère bise des bois. J’ai appelé ma femme et lui ai dit dans un frisson : « l’horreur est dans le terroir ».