16 octobre 2012

Ciné-postal


C’est quoi l’exotisme ? Une affaire de regard que l’on porte sur ce qui se trame hors de soi, hors de chez soi ? Un poste d’observation sur les affaires de nos voisins proches ou lointains, duquel on rapporte ce que l’on y a vu, entendu, perçu. L’exotique régénère la parole, oxygène la vie de celui qui voyage.  C’est toutefois ce qu’il en dit puisque de ses aventures il lui faut parler et dire ce qu’il rapporte. Le corps passe la frontière mais l’esprit reste captif de la boîte crânienne. Au cinéma aussi on voyage et c’est tout aussi chic... On peut déterritorialiser son cinéma, poser sa caméra dans cet ailleurs où l’on ne nous attend pas. Confronter son art et raconter ses histoires en d’autres lieux et dans une autre langue, voilà qui est neuf. Au cinéma aussi, les réalisateurs voyagent avec autant de bonheur que nous autres. Et les souvenirs qu’ils en rapportent, les soirées diapos auxquelles ils nous invitent sont tout aussi réussies que les nôtres... C’est un cinéma de carte postale dont on décolle avec précaution le timbre avant de se rendre compte qu’il ne vaut rien. Moi, les cartes postales, je les parcours d’un œil las et les aimante sur le capot de ma chaudière, dont la coque est, vous l’aurez noté, en métal.
Ils veulent faire des films
Ma première expérience de ciné-postal remonte à cinq ans. C’était à Cannes dans la salle Lumière. J’étais un peu plus jeune qu’aujourd’hui et assez excité à l’idée de voir comment Wong Kar Wai avait pu voyager jusqu’à nous, d’Orient à Occident. Je n’ai pas été déçu et me souvent avec émotion comment Norah Jones croquait ou ne croquait pas - je ne sais plus - dans sa tarte aux myrtilles. L’écran était bleu nuit, taché par le fruit, sans doute un peu pourri. Je me suis endormi. Les années ont passé, Wong-Kar-Wai ne s’en est pas tout à fait remis mais il a transmis sa passion philatéliste à d’autres grands. De leur cinéma usé par tant d’images, de films et de louanges, ils se sont semblent-ils lassés. Ils ont quitté le pays, traversé les mers pour muter en d’ennuyeux touristes. Woody Allen est le plus touché. Passe encore sur son début de séjour à Londres (Match point, Scoop) où il maîtrisait encore la langue, faisons lui grâce de son escale parisienne (Midnight in Paris) mais on ne peut lui pardonner sa virée espagnole (Vicky, Christina, Barcelona) et son naufrage Italien (From Rome to love). Second cinéaste, exilé volontaire et exotique volontaire, Abbas Kiarostami qui, après une drôle de « Copie conforme » au « Voyage en Italie » de Rossellini, propose aujourd’hui : « Like someone in love ». Là, nous atteignons très certainement les confins de l’exotisme du ciné-postal : un iranien filmant au japon. C’est tout simplement du jamais vu.  Afin de faire revenir à la raison ces cinéastes égarés, j’offre le mot de la fin à Philippe Katerine, dont les textes sont pourtant peu connus pour leur rationalité : « Je veux faire un film avec une femme nue et des handicapés. Pourquoi je veux faire un film avec une femme nue et des handicapés ? Pourquoi ? Je ne sais pas. Est-ce qu’il vaut mieux le savoir ou pas ? ». Et de conclure après avoir donné la parole à ses deux parents « Est-ce qu’il vaut mieux le faire ou pas ? ».

2 commentaires:

  1. On aimerait un texte quotidien!!!
    Il faut diffuser , faire connaître Oh...cinéma!

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    1. Avec plaisir (pour la diffusion) et merci pour ce commentaire. Mais qui êtes-vous anonyme ?

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