13 mars 2012

Bob Dylan comme au cinéma

Exposer la musique, c’est donner à voir des sons. Exposer un musicien, c’est restituer par l’image, animée ou statique, le talent qui l’anime, la grâce qui le porte et le charme qui opère. C’est à cette intenable promesse que la cité de la musique se frotte avec l’exposition « Bob Dylan, l’explosion rock 61-66 ». Un accrochage tout de bleu paré où saint-bob fait la bobe, la moue superbe, un rictus accroché aux commissures, l’air de dire « pourquoi diable, vous êtes-vous déplacés ? ». On lui répondra « pour te voir Bob, pour te voir, tout simplement ». Comme on prend une place de concert, comme on va au cinéma, nous sommes venus pour te voir ou plutôt tenir entre nos mains, une image, une icône sacrée, celle de ton visage au lendemain de tes vingt ans. Une image que l’on a conservé de toi, les cheveux en bataille, le jean noir bien ajusté - avant que les Strokes ne le remette au goût du jour - et les wayfarer forcément noires - avant que les « jeunes pop » ne les portent sur le bout du nez qu’ils ont long. C’est cette image et non celle d’un homme à la moustache fine et sévère reprenant pépère et d’une voix inaudible, car trop (é)raillée, des chants de Noël que nous sommes venus voir. Celle-ci n’existe pas. Pas pour nous, pas ici et c’est tant mieux. 

Les gens de la Cité l’ont bien compris. A défaut d’en avoir eu l’initiative, ils ont eu une bonne intuition en achetant l’exposition conçue par le Grammy Museum de Los Angeles. Alors, avoir 20 ans et s’appeler Bob Dylan au milieu des années 60, qu’est ce que cela fait, quel film cela aurait-il fait ? La réponse formulée par l’exposition nous livre trois témoignages essentiels. 

Oublions la salle 1 consacrée aux influences musicales du jeune Robert Zimmerman et laissons donc la guitare de Presley aux adorateurs de reliques. Oublions aussi la salle 2 et la période protest-song dont le bois dont sont faites les guitares sent le sapin. Filez droit devant vous. Faites un long stop dans la galerie où sont exposés les photos de Daniel Kramer, instants de grâce capturés en 65. Dylan en coulisses, Dylan au café, Dylan dans la rue. Dylan, toujours Dylan dans un même noir et blanc plein de grains. Puis, arrivés tout au bout du couloir, tournez à droite en salle 3 et enfoncez-vous dans le noir. Restez debout et faites lui face. Vous êtes en 65 et Dylan est sur scène. Ecoutez voir « Like a rolling stone ». Prenez votre respiration, descendez en sous-sol et passez, passez vite, la session cocardière où Bob fait connaissance avec la France. Dites-vous bien que la rencontre avec Hugues Aufray et Johnny Hallyday n’a pas réellement eu lieu en 65. Il faut dépasser le cauchemar et aller plus loin, là où il fait noir et où est projeté la pellicule de D.A Pennebaker. A nouveau, une silhouette électrique se découpant dans le noir cette même année1965. Un été où l’héritier d’Hank Williams et de Woody Guthrie délaisse l’héritage folk pour le rock. Une année maudite pour l’artiste où passée la déflagration de sa prestation au Newport Folk festival, il se fera hué et insulté sur toutes les scènes du monde où il branchera sa guitare. C’est le film de cette année-là qui fascine. C’est le film de cette année 65 qu’il faut voir et revoir pour comprendre toute l’importance de Dylan. Un Dylan qui fait l’histoire en jouant au musicien et en faisant l’acteur. Un Dylan de cinéma. 

Exposition du 6 mars au 15 juillet 2012 à la Cité de la Musique
www.citedelamusique.fr

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